La solitude, planche de salut
N’aie pas peur de la solitude, elle n’est pas ce qu’elle semble être.
C’est ton salut.
Risque tout, l’ami, risque tout pour l’amour de la vérité.
Laisse la solitude être la fin de « toi-même » puisque tu te connais.
Du moins, laisse-la mettre fin au fantasme que tu es séparé de la totalité.
Tu ne peux pas te dire à toi-même que tu n’es pas seul. Tu dois mourir à l’illusion pour en être sûr.
Grâce à la perte, grâce aux ruptures, grâce à la maladie, grâce à la mort des rêves, grâce au trépas de ceux dont tu pensais qu’ils ne mourraient jamais, tu seras invité à toucher la mélancolie, à rencontrer la peine dans son état brut.
Alors il te sera accordé une grande chance.
Car ta solitude est vivante.
Ne construis pas de murs autour d’elle.
Ne t’insensibilise pas.
Ne tombe pas dans la distraction.
Ne la laisse pas se solidifier en un « moi ».
Ne deviens pas « celui qui est seul ».
Ce à quoi tu résistes te brise en deux.
Laisse la solitude respirer. Oxygène-la.
Plonge dans ses profondeurs.
Commence une conversation avec elle; elle est timide.
Fais tout ce que tu dois faire, ou ne pas faire, pour rencontrer la solitude sans préjugés.
Ressens la solitude de tous les êtres vivants. Celle de Jésus sur la croix. La peine sous l’arbre de la Bodhi. La solitude d’une étoile mourante, du dernier dinosaure lorsqu’il a dit au revoir à son monde brisé.
Ressens la solitude exquise de cette belle Terre, qui tourne avec élégance dans l’immensité de l’espace. Ressens la solitude du temps lui-même, qui ne finit jamais, qui ne commence jamais, celle d’un univers né dans l’innocence.
Inspire le big-bang, exhale un cosmos. Meurs et renais. Rentre à nouveau dans le monde à partir d’un lieu d’intimité.
N’appelle plus jamais cela « solitude » ; le mot ne lui rend pas justice.
Peux-tu vraiment être seul, alors que tous les êtres vivants respirent avec toi ?
Jeff Foster, Se reposer, Éditions Almora, 2017