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Monde de l’au-delà : scepticisme et preuves

La première remarque que je m’attends à entendre d’un interlocuteur avec lequel je parle de mon travail autour de l’au-delà est une remarque qui peut venir à l’esprit de chacun :

 

 » En tout cas, personne n’est jamais revenu de la mort pour nous en parler. Donc je veux bien t’écouter, c’est bien beau ce que tu racontes, mais ce n’est que des suppositions, il n’y a rien de certain. « 

 » Personne ne peut prouver la vie après la mort par A+B. « 

 » Moi je suis cartésien. « 

Dans ce nouvel article, nous allons examiner les sujets du doute, de la certitude, de la vérité, du scepticisme, de la preuve, en relation avec l’au-delà et le paranormal.

Moi je suis cartésien

 » Moi, je suis cartésien. « 

Que veut dire, au juste, cette affirmation populaire ?

Si une personne de votre entourage vous dit « Moi, je suis cartésien », veut-elle dire qu’elle fait montre d’esprit logique ? D’esprit rationnel ? Qu’elle est matérialiste ? Qu’elle met tout en doute ? Qu’elle s’appuie uniquement sur la raison et jamais l’intuition ?

Quand quelqu’un affirme  » Moi je suis cartésien « , pense-t-il à Descartes ? S’en réclame-t-il ?

René Descartes n’était pas probalement pas aussi cartésien que les esprits cartésiens d’aujourd’hui. C’est en tout cas ce que Francçoise Hildesheimer nous invite à vérifier, en lisant son ouvrage consacré au fameux philosophe et physicien français :

Monsieur DESCARTES - La fable de la raison

Plusieurs idées reçues et autres clichés circulent sur Descartes. Le philosophe et historien de la philosophie Denis Kambouchner nous en parle dans ce podcast.

Voyons aussi comment Jennifer Gallé nous raconte un épisode fondateur de la vie du célèbre philosophe.

Les songes de Descartes

Nous sommes en novembre 1619, Descartes a 23 ans.

Il s’est engagé comme soldat dans les troupes du duc de Bavière et stationne à Ulm, sur les bords du Danube. C’est ici qu’il prend ses quar­tiers d’hiver en louant un poêle. Le terme désigne à l’époque une chambre possé­dant un fourneau de faïence alimenté en bûches par l’extérieur. La température y est douce et constante, l’hôte pouvant y séjourner sans être importuné ni par la fumée, ni par les allées et venues des do­mestiques chargés de nourrir le feu.

Le jeune René, qui a mené de brillantes études chez les Jésuites, s’adonne là à son exercice préféré : celui de la réflexion car il a pour grand projet de bâtir les fonde­ments d’une mathématique universelle. Rien de moins. C’est plein de cette noble ambition qu’il s’endort donc ce soir là.

Donnons maintenant la parole, en français de l’époque, à Adrien Baillet, premier biographe de Descartes :

Après s’être endormi, son imagination se sentit frappée de la représentation de quelques fantômes qui se présentérent à lui, et qui l’épouvantérent de telle sorte, que croyant marcher par les rues, il étoit obligé de se renverser sur le côté gauche pour pouvoir avancer au lieu où il vouloit aller, parce qu’il sentait une grande foiblesse au côté droit dont il ne pouvoit se soutenir.[…]

 Il se réveilla sur cette imagination, et il sentit à l’heure même une douleur effective, qui lui fit craindre que ce ne fût l’opération de quelque mauvais génie qui l’aurait voulu séduire. Aussitôt il se retourna sur le côté droit, car c’étoit sur le gauche qu’il s’étoit endormi, et qu’il avoit eu le songe.

Cette même nuit, Descartes fit deux autres rêves, qu’il consigna précieusement et qu’il prit très au sérieux pour le reste de sa vie…

 

Un scepticisme ou des scepticismes ?

Consultons ce que nous dit, sur le terme scepticisme, le CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales), créé en 2005 par le CNRS.

Nous trouvons deux grandes sections :

A – Philosophie

B – Usage courant

Nous voyons ainsi que le scepticisme constitue :

A – une doctrine philosophique

C’est tout d’abord la doctrine de Pyrrhon et des pyrrhoniens, qui considère que l’homme ne peut pas connaître la vérité, et qui érige le doute en système.

Le scepticisme en tant que doctrine peut se restreindre à une branche particulière de la connaissance : on parlera ainsi de scepticisme historique, religieux, mais aussi moral ; mais encore de scepticisme scientifique et de scepticisme médical.

B – Une disposition d’esprit

Il s’agit ici d’une attitude d’incrédulité, de défiance. Cela peut être une attitude saine, en ce qu’elle évite de succomber à des préjugés.

Mais cette attitude d’incrédulité peut aussi se teinter de méfiance, de manque de confiance, voire de pessimisme ou d’indifférence.

Un individu sceptique peut être hésitant, timoré, et se réfugier dans le dénigrement, comme le souligne J.-P. Dumont dans l’encyclopédie Universalis.

 

Le scepticisme scientifique contemporain

Le scepticisme scientifique d’aujourd’hui est essentiellement un mouvement qui cherche à promouvoir la pensée critique et à soumettre à la méthode expérimentale les phénomènes paranormaux.

Selon l’article de Wikipédia consacré à ce sujet, l’attitude sceptique a longtemps été le seul fait d’invidus — philosophes et scientifiques — isolés.

Le regroupement d’individus sceptiques au sein de sociétés est un phénomène moderne.

  • Le comité Para, créé en Belgique en 1948, a été formé notamment en réponse à une exploitation de personnes en deuil de proches décédés durant la Seconde Guerre Mondiale.
  • L’Association Française pour l’Information Scientifique est créée en France en 1968. Elle édite le site pseudo-sciences.org ainsi que la revue Science & Pseudo-sciences.
  • Les années 70 voient la création du CSICOP — Committee for the Scientific Investigation of Claims of the Paranormal — devenu plus tard le Committee for Skeptical Inquiry, mouvement sceptique le plus important à l’heure actuelle.
  • Un renouveau dans les années 2000 préside à la création du mouvement zététique, à l’initiative d’Henri Broch.
  • Mentionnons aussi l’association Les Sceptiques du Québec.

 

Contre-mouvements et critiques

On trouve aujourd’hui des contre-mouvements qui dénoncent les excès du scepticisme dans sa critique des pseudo-sciences, par exemple le mouvement Skeptical About Skeptics.

Le CSICOP, qui se réclame de la méthode scientifique, a été accusé par son ancien codirigeant d’avoir adopté un comportement de plus en plus antiscientifique.

 

Scepticisme et preuves

Dans la suite de cet article, je vous proposerai des éléments de réflexion sur le scepticisme face au paranormal, à partir des écrits de différents chercheurs.

Réflexions de Dean Radin

Ces réflexions sont extraites de son ouvrage La conscience invisible.

La conscience invisible

Dean Radin nous assure que apprendre à fournir des preuves exige une longue formation dans des disciplines conventionnelles telles que la procédure expérimentale, l’analyse et la statistique.

Il affirme également qu’une bonne partie des arguments formulés contre le paranormal relève d’attitudes qui contredisent la prétendue démarche scientifique de ceux qui avancent ces arguments.

Nous trouvons en effet nombre d’arguments empreints d’arrogance voire de mépris, et issus d’un parti pris, si ce n’est d’une idéologie.

Vue de l’extérieur, écrit Dean Radin, la science paraît relever d’un processus logique, imperturbable et analytique. C’est parfois vrai, mais elle peut aussi devenir un véritable champ de bataille lorsqu’il s’agit d’évaluer des phénomènes qui bousculent les théories dominantes.

Détracteurs et polémiques

Les ouvrages ouvertement polémiques, ou simplement susceptibles de déclencher des polémiques, ne manquent pas sur le marché des détracteurs de paranormal.

On trouve entre autres le pamphlet Devenez sorciers, devenez savants de Georges Charpak et Henri Broch, ouvrage auquel Bertrand Méheust a répliqué par Devenez savants : découvrez les sorciers, Lettre à Georges Charpak.

Devenez sorciers - Devenez savants

Devenez savants - Découvrez les sorciers

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces deux ouvrages sont mentionnés par le Père François Brune, dans l’introduction de son livre Les morts nous parlent, dont j’ai rédigé une chronique sur ce blog. François Brune s’étonne que l’un de nos Prix Nobel ait prêté sa plume à Henri Broch, initiateur de la zététique, qu’il qualifie de  » pourfendeur du paranormal « .

F. Brune est en revanche élogieux à l’égard de Bertrand Méheust, dont il loue l’érudition et la rigueur exemplaire.

Selon Dean Radin, pratiquement tous les arguments des détracteurs du paranormal ont été anéantis par les nouvelles procédures expérimentales.

L’argument longtemps avancé par les détracteurs était celui-ci :

Les phénomènes paranormaux n’existent pas, puiqu’ils violent les lois de la physique. Les expériences paranormales apparemment réussies relèvent seulement du hasard ou de la fraude.

Les détracteurs ne reconnaissaient donc pas l’existence du paranormal. Ils considéraient qu’une expérimentation parfaite ferait disparaître toute trace d’effet paranormal.

Mais aujourd’hui, écrit D. Radin, la qualité des méthodologies élimine cet argument, et l’usage de la méta-analyse confirme que l’on ne peut pas attribuer à de banales imperfections techniques le pourcentage cumulatif des succès.

 

 

Les expériences paranormales sont-elles réductibles à des désordres psychologiques ?

Pour répondre à cette question, Dean Radin cite les observations de Andrew Greeley, prêtre catholique et sociologue.

La conclusion de Greeley est la suivante :

« Les gens qui ont fait l’expérience du paranormal, qu’ils l’acceptent intellectuellement ou non, sont tout sauf des obsédés religieux ou des cas psychiatriques. Pour la plupart, ce sont des Américains ordinaires, plutôt mieux instruits et plus intelligents que la moyenne, souvent moins religieusement actifs. »

Concernant les expériences de contacts avec des défunts, A. Greeley s’est demandé si les gens qui avaient perdu un enfant ou un parent proche avaient plus souvent des contacts avec ces défunts qu’avec des parents moins proches.

On peut en effet présumer que ces personnes avaient un besoin de communication plus intense avec un parent proche.

Or quelle a été l’observation de Greeley ?

« Nous avons été surpris : ils évoquent moins fréquemment des contacts avec leurs morts que ceux qui n’ont perdu que des parents éloignés ».

Ces résultats ne sont pas en faveur de l’hypothèse des sceptiques, selon laquelle les expériences paranormales sont dues à des hallucinations ou à d’autres désordres psychologiques.

 

Qu’est-ce qu’une preuve ?

La question de la preuve est souvent brandie par les titres ou sous-titres d’ouvrages traitant de la vie après la mort.

On trouve par exemple l’ouvrage de Jeffrey Long, ainsi que plus récemment, celui de Stéphane Allix :

La vie après la mort - Les preuves

Le test

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La notion de preuve n’est pas une notion simple et évidente comme on pourrait le croire naïvement.

Un des termes anglais pour traduire preuve peut d’ailleurs nous induire en erreur à ce sujet : le terme evidence, aussi couramment utilisé que le terme proof.

Contrairement à ce que l’anglais nous porte à croire, la notion de preuve n’a rien d’évident.

Une première remarque que nous pouvons faire est que la preuve est liée au domaine considéré :

  • Preuve dans le domaine du droit (preuve en droit pénal, preuve en droit civil)
  • Preuve en mathématiques
  • Preuve en sociologie
  • Preuve en sciences expérimentales
  • Concept de preuve en philosophie

Je vous propose de découvrir les éléments de réflexion suivants, que j’emprunte au blog philosophia.over-blog.com. Le professeur de philosophie auteur de ce blog ne se présentant pas, nous ne connaissons pas son identité. Je vous propose de l’appeler Phil.

Que nous dit Phil dans son article sur la preuve ?

 » De façon générale une preuve est une proposition permettant d’assurer qu’une autre proposition est vraie. « 

Jusqu’ici tout va bien, tout le monde suit. Mais l’affaire se complexifie, comme vous allez le constater, à moins que vous ne soyez féru de philosophie, de mathématiques, de logique, d’épistémologie, tout à la fois peut-être ?

Voici, selon Phil, différentes types de preuves :

  • Preuve démonstrative
  • Preuve empirique
  • Preuve explicative
  • Preuve herméneutique
  • Preuve pragmatique
Preuve démonstrative

Si on pose comme vraies plusieurs propositions de départ, qu’on peut appeler les prémisses — à distinguer des prémices et que le raisonnement est formellement valable, alors on peut déduire une proposition d’arrivée.

Exemple le plus simple : si A = B et B = C, alors on en déduit que A = C.  Nous avons donc la preuve que A = C.

Preuve empirique

Phil nous dit que qu’une affirmation « A » est prouvée [empiriquement] si on peut la corroborer par une observation.

Quant à cette observation, elle sera considérée comme scientifiquement valable si elle est mesurable et reproductible. Mais remarquons qu’en droit, en histoire, ou dans la vie courante, nous faisons des observations comme les témoignages qui n’ont rien de scientifique au sens strict, mais qui constituent, nous dit Phil, des preuves empiriques tout à  fait valables.

Preuve pragmatique

Selon Phil, c’est la preuve par le succès de la pratique.

La preuve pragmatique qu’une affirmation « A » est vraie, c’est qu’elle permet de modifier la réalité conformément à ce qu’elle énonce.

Preuve explicative

Schématiquement, cette preuve se formule ainsi :

Si la condition A explique la situation B, alors la condition A est vraie.

Ce raisonnement n’est pas valable d’un point de vue strictement logique. En effet, A est une condition suffisante pour que la situation B soit vraie, mais A n’est pas une condition nécessaire. On doit s’attendre à ce que d’autres conditions A’ ou A » puissent expliquer la situation B.

En d’autres termes, comment est-on sûr que l’explication A est la bonne ? Il pourrait y avoir d’autres explications !

Phil nous fait remarquer à juste titre que dans le domaine juridique, on recourt à la fois à la preuve explicative et aux preuves empiriques.

Preuve explicative :  si on admet que « X » est le coupable, alors tous les événements s’expliquent, donc « X » est le coupable.

Preuves empiriques : témoignages, empreintes.

Et un troisième type de preuve s’adjoint, la preuve herméneutique : les mobiles de « X » permettent de donner un sens aux événements.

Preuve herméneutique

L’herméneutique est l’art d’interpréter les textes.

Selon Phil, la preuve herméneutique consiste à écrire qu’une affirmation est vraie parce qu’elle donne du sens à une ou plusieurs autres affirmations, ces dernières pouvant êtres scientifiques ou empiriques.

Preuves et connaissance scientifique

Je pense que la question de la recherche de preuves dans le domaine de l’au-delà et plus largement dans le domaine de la parapsychologie et du paranormal, doit être élargie à une réflexion sur l’épistémologie.

Et on peut ici entendre épistémologie :

  • dans le sens francophone, c’est-à-dire l’étude critique des sciences et de la connaissance scientifique
  • et dans le sens que lui donne le monde anglo-saxon : l’étude de la connaissance en général.

En dehors du domaine juridique et des mathématiques, y a-t-il un intérêt fondamental à disposer d’une preuve de telles ou telles affirmations ? Je ne le crois pas.

L’important est plutôt de s’interroger sur la nature de la connaissance scientifique et de la connaissance en général.


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