Chronique : Lumières nouvelles sur la réincarnation (2/2)
Voici la seconde partie de ma chronique de l’ouvrage de Laurent Guyénot,
Lumières nouvelles sur la réincarnation
Cet ouvrage est l’objet de la troisième chronique de mon challenge. Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite à prendre connaissance de ce qui marque la fondation de ce blog : mon challenge.
Deux autres chroniques vous attendent sur ce blog : Les morts nous parlent de François Brune et Terre d’Émeraude de Meurois-Givaudan.
Une première partie de mon étude de cet ouvrage de Laurent Guyénot est à lire au préalable avant cette partie-ci : vous pourrez ainsi vous familiariser avec les questions fondamentales sur la réincarnation que pose l’auteur, dans cette première partie de ma chronique.
Dans cette seconde partie, nous allons voir les points suivants :
- Les allégations de souvenirs de vies antérieures
- Souvenirs recomposés, cryptomnésie et télépathie
- Phénomènes d’incorporation
- Phénomènes de possession
- Les travaux de Ian Stevenson
- Souvenirs de morts antérieures
- Rétrocognition et déjà-vu
- Autres liens entre vivants et trépassés
1. Les allégations de souvenirs de vies antérieures
On trouve aujourd’hui dans la littérature réincarnationniste de nombreux témoignages, rapportés par des psychothérapeutes, de personnes qui déclarent s’être senties emportées mentalement (souvent avec des manifestations corporelles) dans une scène qui n’appartient pas à leur vie personnelle. Ces personnes attribuent alors ce vécu à une vie antérieure.
Un sujet affirme donc qu’un épisode vécu dans une séance de psychothérapie, est un revécu d’un épisode déjà vécu auparavant. Et comme cet épisode, de par son contenu, ne peut objectivement pas appartenir à l’histoire du sujet, celui-ci l’attribue à une vie antérieure.
Il existe de nos jours de nombreux psychothérapeutes spécialisés dans les régressions dans les vies antérieures, par des techniques de l’ordre de l’hypnose, qui provoquent une transe plus ou moins profonde.
Laurent Guyénot cite par exemple ce témoignage d’une dactylo souffrant de douleurs aux doigts :
» Ça m’a soigné mes articulations. Bien mieux que les médicaments «
Cette dactylo avait découvert que, dans une vie antérieure, elle avait été quartier-maître sur un vaisseau au XVIIIe siècle.
» Ses marins s’étaient mutinés, l’avaient menotté avant de le jeter par-dessus bord. D’où ses problèmes de poignets. Surtout par temps humide. «
L. Guyénot rapporte dans son ouvrage plusieurs cas analogues. Il ne remet pas en cause la réalité du vécu du sujet au cours d’une régression, mais pose la question suivante :
Pourquoi l’expérience vécue par le sujet dans une régression devrait-elle être qualifiée de revécu d’une vie antérieure ? Ce vécu actuel au cours d’une régression ne peut-il pas avoir une autre origine ?
L’auteur propose de simplement qualifier l’expérience vécue en transe de vision, et de s’interroger sur la nature de cette vision.
Il annonce dans l’introduction de son ouvrage, que celui-ci n’a pas de caractère polémique. Je ne peux néanmoins que constater qu’il est assez cinglant dans les observations qu’il porte sur les travaux de plusieurs thérapeutes de vies antérieures.
Il s’en prend entre autres à Patrick Drouot, réincarnothérapeute français auteur du best-seller Nous sommes tous immortels, dont il relève ici » une incroyable naïveté » et là » une manière particulièrement légère d’évacuer les difficultés « , alors qu’il se déclare scientifique, titulaire d’une maîtrise de physique.
L. Guyénot tient par contre en haute estime le Dr Raymond Moody, psychiatre connu pour être l’auteur du premier ouvrage fameux sur les expériences aux frontières de la mort — appelées plus couramment N.D.E . en anglais et E.M.I. en français — intitulé La vie après la vie.
Dans un autre ouvrage (ci-dessous à gauche, avec l’original américain à droite), le Dr Moody signale un indice sérieux que les visions hypnotiques ne sont pas des vrais souvenirs. Il arrive en effet que, lors d’une séance de régression hypnotique collective — comme on en pratique aux Etats-Unis— plusieurs sujets retrouvent le même souvenir…
Voyages dans les vies antérieures,
traduction de Life before life, sous-titré Regression into past lives
Laurent Guyénot souligne que le titre français de l’ouvrage, Voyages dans les vies antérieures, est fort mal choisi, et il écrit que le petit résumé en quatrième de couverture est une véritable tromperie.
En effet, à la lecture cette quatrième de couverture on conclut que le Dr Moody est un réincarnationniste convaincu et un adepte de la thérapie par les vies antérieures, alors que dans ce livre :
» Jamais Moody n’affirme croire en la réincarnation ni en la fiabilité des prétendus souvenirs de vies antérieures. «
L. Guyénot cite à ce propos le passage suivant de ce livre :
À plusieurs occasions, un étudiant installé à une extrémité de la salle retrouva pratiquement la même vie qu’un autre étudiant installé à l’opposé. Par exemple, une jeune femme se vit en danseuse de ballet ; elle portait un collant bleu et dansait devant un public nombreux sur une scène brillamment illuminée. L’expérience qu’elle décrivit était pratiquement la même que celle d’une autre femme, de l’autre côté de la salle.
Le Dr Moody observe que le succès de certaines régressions sous hypnose est probablement dû à la capacité qu’a l’esprit humain de créer des images et de s’en servir pour se guérir, sans qu’il soit nécessaire que ces images soient celles d’authentiques souvenirs.
C’est cette capacité qu’a utilisée pour se guérir elle-même, puis pour fonder sa Méthode de Libération des Cuirasses, la québécoise Marie-Lise Labonté, auteure du livre Se guérir grâce à ses images intérieures :
Revenons à la question qui se pose à nous et que nous avons déjà évoquée plus haut :
Si les souvenirs de vies antérieures ne sont pas de véritables souvenirs, alors quelle est la nature réelle de ces visions?
Nous allons examiner plus en détail les différentes hypothèses.
2. Souvenirs recomposés, cryptomnésie et télépathie
Un principe remis en cause
Selon Laurent Guyénot, la plupart des thérapeutes utilisant la pratique des régressions ajoutent foi au principe que les scènes vécues par un sujet lors d’une régression proviennent de la réactivation d’une mémoire personnelle du sujet en question.
De plus, le mieux-être généralement ressenti par le sujet à l’issue d’une régression est considéré comme une preuve que la scène vécue est bien un souvenir personnel.
» Le sujet va mieux, donc la régression qu’il a traversée a bien ramené un souvenir personnel « , disent les tenants de ce principe.
» Eh bien non ! rétorque Guyénot. La déduction est fallacieuse. «
Pour argumenter, L. Guyénot nous rappelle ceci :
» Freud fonda la psychanalyse précisément lorsqu’il renonça à croire à l’exactitude des souvenirs émergeant sous hypnose, et qu’il renonça du même coup à l’hypnose. «
Après avoir écrit cette phrase, Guyénot reconnaît que c’est un raccourci de l’histoire de la fondation par Freud de la psychanalyse ; cette fondation fut beaucoup plus complexe, mais il reste vrai que Freud remit en cause la certitude de la vérité des souvenirs qui émergent.
Freud écrivit en effet, dans une lettre à Fliess du 21 septembre 1897 :
» Il n’existe dans l’inconscient aucun indice de réalité de telle sorte qu’il est impossible de distinguer l’une de l’autre la vérité et la fiction investie d’affect. «
Guyénot nous cite des propos plus récents qui abondent dans ce sens : ceux du psychiatre américain Michael Nash, dans un article présenté en 1992 à la réunion annuelle de l’American Psychological Association :
» En fin de compte, nous ne pouvons pas faire la différence entre des fantasmes pris pour des réalités et des souvenirs fiables du passé. Il se peut même qu’il n’y ait pas de différence structurelle entre les deux. «
Cette citation provient de l’ouvrage ci-dessous d’Elizabeth Loftus et Katherine Ketcham :
Laurent Guyénot est assez cinglant encore une fois, lorsqu’il nous parle d’une masse de thérapeutes régresseurs illuminés, qui considèrent systématiquement les visions produites sous hypnose comme de réels souvenirs.
Il ajoute qu’il existe néanmoins un certain nombre de thérapeutes plus perspicaces et rigoureux.
Un psychothérapeute rigoureux : Jonathan Venn
Ce psychothérapeute américain rapporte le cas d’un de ses patients, Matthew, placé sous hypnose légère pour traiter des douleurs chroniques à la poitrine.
Jonathan Venn s’est livré à un examen minutieux des détails fournis par son patient Matthew dans diverses régressions. Cela lui a permis de dresser un tableau détaillé des erreurs et contradictions manifestes que contenaient certains prétendus souvenirs de vies antérieures de Matthew.
On pourra, sur demande, consulter l’article complet (issu de la revue Journal of the American Society for Psychical Research) en cliquant ici.
J. Venn ne considère pas que son patient a guéri parce que les scènes vécues sous hypnose sont des souvenirs réels de vies antérieures.
Au contraire, Venn affirme que son patient a guéri parce que les scènes vécues étaient fantasmées.
Pour J. Venn, la valeur thérapeutique du vécu sous hypnose n’a nul besoin, pour être élucidé, de l’hypothèse des vies antérieures.
L. Guyénot a également étudié plusieurs cas relatés par le psychothérapeute Roger Woolger, de formation jungienne, et il émet l’observation suivante :
Il est curieux que de nombreux prétendus souvenirs de vies antérieures, chez plusieurs patients de Roger Woolger, aient un caractère archétypal (au sens des archétypes de Jung), voire un simple caractère de cliché culturel (comme le cliché d’une scène de western hollywoodien).
Cela conduit Guyénot à croire que les scènes vécues en régression par les patients de Woolger ne sont pas des revécus de vies antérieures, mais des reconstructions qui puisent dans les connaissances, croyances et préjugés de ses patients, ainsi que dans le réservoir que constitue l’inconscient collectif.
Mais l’opinion de Laurent Guyénot s’oppose en cela à la position de Woolger lui-même qui, bien que jungien, se déclare réincarnationniste. Woolger affirme que son interprétation réincarnationniste des vécus sous régression est indissociable du succès du processus thérapeutique.
Quoi qu’il en soit, le succès du processus thérapeutique n’est pas la question qui importe à L. Guyénot ; la question qui lui importe est celle de la nature des vécus en régression.
Voyons donc maintenant une autre hypothèse :
L’hypothèse de la cryptomnésie
Laurent Guyénot nous propose, comme définition du concept de cryptomnésie, la formulation d’un psychologue contemporain de Freud, le suisse Théodore Flournoy (1854 – 1920), qui définit la cryptomnésie comme :
» Le fait que certains souvenirs oubliés reparaissent sans être reconnus du sujet, qui croit y voir quelque chose de nouveau. «
En somme, il s’agit d’un souvenir caché, » dans la crypte « , et qui reste caché quand le sujet accède au contenu de ce souvenir, puisque le sujet ne l’interprète pas comme un souvenir mais comme quelque chose de nouveau, quelque chose qu’il a produit lui-même, alors que le contenu a été produit par quelqu’un d’autre.
Dans la pratique, le souvenir caché vient par exemple d’une lecture faite par le sujet puis oubliée par ce dernier, ce qui peut le conduire à un plagiat involontaire.
Je vous propose également de lire cette définition de Gustave Geley, dans l’article du Wikionnaire sur la cryptomnésie :
» Processus psychique dans lequel une énergie créatrice spontanée fait réapparaître, de façon définie et parfaitement claire, des souvenirs perdus. Un concept, une image poétique, etc., peuvent être assimilés à tel point qu’il n’y a plus de souvenir conscient, mais une internalisation qui fait que, lors de leur ré-émergence, le sujet croit plutôt qu’il s’agit d’une manifestation de son originalité. «
Voilà qui nous intéresse fort dans le cadre de nos réflexions sur les hypothèses alternatives aux prétendus souvenirs de vies antérieures.
En effet, comme l’observe L. Guyénot,
On pourra conclure à un processus de cryptomnésie chaque fois que le prétendu souvenir de vie antérieure contient, au moins en partie, des informations, des images, des récits qui ont été naguère enregistrés par le sujet et qu’il a retrouvés dans un état de conscience altérée, comme dans les régressions sous hypnose.
Mais comment retrouver la source où le sujet a puisé initialement les informations qu’il a ensuite oubliées ?
Nous disposons pour cela de la méthode proposée par le psychiatre finlandais Reima Kampman : il est souvent possible, après une première session d’hypnose, de soumettre le sujet à une seconde hypnose pour le convaincre de révéler la source où il a puisé à son insu les détails de sa prétendue vie antérieure.
L’hypothèse de la cryptomnésie fut clairement démontrée par Théodore Flournoy dans le cas de ses expérimentations avec Hélène Smith, une médium qui vécut des aventures fantastiques répertoriées en trois cycles, le Cycle Oriental, le Cycle Royal et le Cycle Martien.
Flournoy le relate dans l’ouvrage suivant :
L’hypothèse de la cryptomnésie n’est parfois pas suffisante pour expliquer certains cas.
Nous devons tenir compte d’un autre facteur, la télépathie entre le sujet — qui relate un prétendu souvenir de vie antérieure — et le thérapeute, comme nous allons le voir maintenant.
Le rôle de la télépathie
La télépathie entre l’hypnothérapeute et le sujet hypnotisé, nous dit L. Guyénot, est attestée depuis longtemps.
Ce qu’on appelle de nos jours la transe hypnotique était jadis appelé sommeil magnétique, ou somnanbulisme. On parlait aussi de rapport magnétique pour nommer le phénomène de télépathie entre le sujet et l’hypnotiseur.
Le Général Noizet le décrivait en ces termes, dès 1854 :
Il est un grand nombre d’observations générales qui concourent à prouver que les idées, et principalement les opinions des magnétiseurs, peuvent être senties par les somnanbules. On a remarqué, par exemple, que tous les somnanbules endormis par la même personne avaient les mêmes idées sur le magnétisme animal, et précisément celles de leur magnétiseur.
Ainsi, lorqu’un magnétiseur persuadé de l’existence d’un fluide magnétique demande à son somnanbule s’il ressent l’action de ce fluide, celui-ci répond qu’il la sent et assure en outre voir le magnétiseur environné d’une atmosphère lumineuse, tantôt brillante, tantôt azurée. Les somnanbules, au contraire, endormis par des personnes qui n’admettent aucun fluide particulier, prétendent qu’il n’existe pas de fluide magnétique.
Ce texte cité par Guyénot est tiré de Somnanbulisme et médiumnité, ouvrage de Bertrand Méheust, historien contemporain de la parapsychologie, né en 1947.
Selon L. Guyénot, la télépathie rend largement compte du cas décrit par Carol Bowman dans son récit Les vies antérieures des enfants.
Ayant analysé le récit de l’auteure, L. Guyénot est fort sévère à son égard et à l’égard du thérapeute Norman Inge dont elle fut la stagiaire.
Il s’étonne de » l’invraisemblable naïveté de certains réincarnothérapeuthes dans leur manière d’interpréter les phénomènes. »
Mais la cryptomnésie et la télépathie combinées, nous informe L. Guyénot, ne suffisent pas à expliquer tous les cas : il existe des cas de prétendus souvenirs de vie antérieure que l’on ne peut imputer ni à la culture ou aux croyances du sujet, ni à celles du thérapeute.
Il nous faut recourir à d’autres hyptohèses : celles que les prétendus souvenirs soient produits, au moins en partie, par des trépassés vivant dans l’au-delà ou par d’autres entités désincarnées.
3. Phénomènes d’incorporation
L’hypothèse est ici que le récit par un sujet d’une prétendue vie antérieure soit dû à l’incorporation, par ledit sujet, de l’esprit d’un trépassé.
Cette incorporation peut se faire au cours d’une transe hypnotique, ou au cours d’une transe médiumnique si le sujet a une capacité de médiumnité.
Cette hypothèse est celle que formule L. Guyénot à propos du cas de Bridey Murphy.
Le cas relaté dans l’ouvrage À la recherche de Bridey Murphy de Morey Bernstein est probablement, selon Laurent Guyénot, celui qui a eu l’influence la plus forte dans l’histoire du réincarnationnisme occidental. Certains en font l’origine de la première vogue de popularité de la réincarnation aux États-Unis.
L’histoire se passe en 1952, en Californie. Une femme, désignée comme Ruth Mills Simmons dans le livre, change de personnalité lorsque Bernstein la fait régresser sous hypnose ; elle se met alors à parler avec un accent irlandais et dit s’appeler Bridey Murphy McCarthy ; au fil des séances qui se suivent, elle se dira irlandaise née à Cork en 1798. […]
Les récits de ces séances parurent tout d’abord dans un quotidien de Denver, avant d’être repris à Chicago puis dans d’autres villes. Les réactions enthousiastes des lecteurs convainquirent les éditions Doubleday de commander un livre à Bernstein, lequel livre devint immédiatement un best-seller national et fut traduit en cinq langues.
Un point demeure sans réponse, nous dit L. Guyénot. Est-ce que Bridey Murphy incorporait Ruth seulement lors des transes hypnotiques, ou bien doit-on admettre que Bridey était un esprit attaché à Ruth depuis son enfance ?
Avec cette hypothèse plus forte, le cas de Bridey Murphy rentrerait dans la catégorie de la possession, catégorie que nous allons développer maintenant.
4. Phénomènes de possession
Positions de la psychiatrie et de la parapsychologie
Concernant la psychiatrie moderne, née au XIXe siècle, Laurent Guyénot rappelle qu’elle s’est en quelque sorte constituée à partir de l’exclusion du concept de possession.
Par possession nous entendons, non pas possession » par le diable ou ses acolytes « , nous dit L. Guyénot, mais par des esprits de trépassés.
La possession est le fait supputé que l’esprit d’un trépassé prenne possession durablement du corps d’un être humain vivant.
Un livre bien connu nous révèle la confrontation qui existait encore au tournant des XIXe et XXe siècles, nous révèle L. Guyénot, entre deux mondes conceptuels : le monde ancien qui validait l’existence de la possession et des esprits possesseurs, et le monde de la psychiatrie moderne.
Il s’agit du livre de Maupassant, Le Horla.
Le débat contemporain n’est pas clos ; il est régulièrement réalimenté par des affaires criminelles énigmatiques dans lesquelles l’auteur du crime semble être agi par quelqu’un d’autre en lui.
La parapsychologie, qu’on appelait au début du XXe siècle la métapsychique — terme à ne pas confondre avec celui de métaphysique ! — eut également une certaine réticence à admettre l’idée de possession.
C’est un peu curieux, nous dit L. Guyénot, car les transes médiumniques qu’étudiait — entre autres phénomènes — la métapsychique s’apparentent aussi à de la possession.
La différence est que dans une transe médiumnique, la possession par un esprit est temporaire, relativement contrôlée et n’affecte pas du tout le médium, qui retrouve son integrité sitôt la transe achevée.
Pourtant quelques métapsychistes ont reconnu la réalité des phénomènes de possession.
Notamment le fameux William James, figure la plus prestigieuse de la métapsychique anglo-américaine — appelée plus simplement en anglais Psychical Research. Celui-ci tint les propos suivants au début du XXe siècle (précisément en 1909), dans un rapport de la Society for Psychical Research :
La pensée » éclairée » moderne considère la possession comme une hypothèse dont la possibilité ne mérite même pas d’être évoquée. Et ce, en dépit du vaste ensemble de traditions humaines qui lui accorde crédit sur la base d’expériences concrètes. Cela m’est toujours apparu comme un curieux exemple du rôle de la mode en science. Que la théorie démoniaque (et pas forcément diabolique) reprendra un jour le dessus me semble en tout cas absolument certain. Il faut vraiment être un » savant » pour être ignorant et aveugle au point de ne pas soupçonner une telle possibilité.
Une autre figure importante de la Recherche Psychique anglophone fut James Hyslop, mais seulement jusqu’à sa mort en 1920, car son successeur à la tête de l’American Society for Psychical Research orienta différemment les activités de la société, ce qui contribua à discréditer l’hypothèse de la possession.
Les travaux de James Hyslop furent néanmoins poursuivis par Titus Bull ; son contemporain et confrère Carl Wickland fit des recherches dans le même sens.
Au fil de ses découvertes et expérimentations, le Dr Carl Wickland acquit la conviction du rôle fondamental des entités de l’au-delà dans les psychopathologies.
On pourra consulter avec grand intérêt son ouvrage Trente ans parmi les morts. J’en parle également dans ma chronique du livre de François Brune, Les morts nous parlent.
Parmi les thérapeutes contemporains, nous trouvons notamment :
Edith Fiore et ses travaux
Edith Fiore n’a pas remis en question sa croyance en la réincarnation. Or Laurent Guyénot nous apprend que curieusement, avec la même méthode d’hypnose, elle fait surgir chez ses patients hypnotisés tantôt des souvenirs de vies antérieures, tantôt des voix d’esprits possesseurs.
Son premier livre traite des patients mentionnant des vies antérieures, tandis que le second traite des cas de possessions.
Laurent Guyénot nous apprend que dans tous les cas présentés par Edith Fiore dans son second ouvrage, l’esprit possesseur finit par s’avouer tel, alors qu’au début on est porté à croire à une vie antérieure.
» Mais, nous dit-il, si ce n’était cet aveu, on pourrait croire que lorsque l’esprit raconte sa vie terrestre et sa mort, cet esprit est en fait une vie antérieure du patient. «
» Rien ne distingue en effet fondamentalement la manière dont l’esprit possesseur communique de celle dont les vies antérieures se présentent, dans les cas examinés jusque là. «
Poursuivant sa réflexion, L. Guyénot affirme que tous les cas de prétendus souvenirs de vies antérieures non explicables par les hypothèses précédentes de souvenirs recomposés, cryptomnésie, télépathie ou médiumnité, peuvent s’expliquer par la possession par un esprit.
Mais l’inverse n’est pas vrai : il n’est pas exact que tous les cas de possession puissent être expliqués par des vies antérieures. Ainsi, quand l’esprit en question s’avère être mort après la naissance du corps qu’il occupe présentement, l’hypothèse de la réincarnation doit être exclue.
Dans les cas improbables où l’esprit d’un trépassé a pris possession d’un corps dès la naissance de ce dernier, voire pendant la gestation, on pourrait alors parler de réincarnation, admet Guyénot, mais ce ne serait qu’un cas particulier de possession.
La seule raison valable de rejeter l’hypothèse de la possession serait de prouver qu’il n’y a qu’un seul esprit dans le corps considéré, puisque la possession implique clairement deux esprits : un esprit possesseur et l’esprit de l’être vivant possédé.
L. Guyénot nous montre que l’on doit en tirer la conclusion suivante :
La possession est l’explication unique de tous les phénomènes témoignant de la présence durable, dans la psyché d’un être vivant, de la personnalité d’un être défunt.
Quand la présence d’une telle personnalité n’est que passagère, la médiumnité est l’explication suffisante.
Et Guyénot d’ajouter que médiumnité et possession sont deux modes d’un même processus d’interaction entre un vivant et un trépassé.
Ajoutons que ce qui légitime le fait que L. Guyénot puisse formuler sa conclusion est la conformité au principe qui exige d’être économe en hypothèses. Ce principe porte le nom de rasoir d’Ockham.
Le concept du walk-in
On doit le concept de walk-in à la Société Théosophique. Il a été explicité, dans l’ouvrage Le plan astral, par son théoricien Charles W. Leadbeater (1854-1934) — à ne pas confondre avec Charles Leadbeater, auteur et ancien conseiller de l’homme d’État britannique Tony Blair.
Il est possible au demeurant que la Société Théososphique ait emprunté ce concept aux tibétains.
Le procédé du walk-in consiste, pour une âme, à investir le corps d’un être humain déjà adolescent ou adulte, après le départ, pour le monde astral, de l’âme qui occupait auparavant ce corps, moyennant une entente préalable, explicite ou implicite, entre les deux âmes.
Le walk-in est-il un procédé réel ou bien une spéculation ? s’interroge Laurent Guyénot.
On pourra découvrir le récit d’un cas allégué de walk-in dans le témoignage recueilli par Anne Givaudan, figurant dans son ouvrage ci-dessous :
L’important, nous dit L. Guyénot, est de constater que ce concept rend floue la frontière entre réincarnation et possession.
Le dossier de la possession est fort complexe, conclut provisoirement L. Guyénot.
Pour poursuivre notre investigation, il faudrait examiner également les cas de diagnostics de personnalités multiples, mais ces cas peuvent généralement s’expliquer par une possession par plusieurs esprits, c’est pourquoi L. Guyénot a choisi d’étudier un autre sujet lui paraissant plus important, celui des cas décrits par Ian Stevenson.
5. Les travaux de Ian Stevenson
Ian Stevenson (1918-2007) est bien connu des adeptes de la réincarnation.
Professeur de psychiatrie à partir de 1957 à l’université de Charlottesville, en Virginie, il a mené des enquêtes sur la réincarnation pendant plusieurs décennies.
Les réincarnationnistes convaincus considèrent que le premier ouvrage publié par Stevenson, Vingt cas suggérant le phénomène de réincarnation, est une étude exemplaire qui prouve définitivement la réincarnation, alors que le titre de l’ouvrage n’est pas du tout aussi affirmatif, puisque la thèse de la réincarnation n’y est que suggérée.
Comme on le voit sur la couverture ci-dessus, l’éditeur a ajouté le sous-titre » L’enquête la plus sérieuse au monde « .
Si les travaux de Stevenson sont généralement loués pour leur rigueur exemplaire, ils ont néanmoins été critiqués par d’autres chercheurs, comme Scott Rogo, ou Ian Wilson.
François Brune, dans son ouvrage Les morts nous parlent (tome 1) nous cite d’ailleurs la critique sévère du journaliste et historien Ian Wilson à ce propos.
Mais la question que Laurent Guyénot entend soulever est celle de la possession : l’hypothèse de la possession peut-elle rendre compte des cas présentés par Ian Stevenson ?
L. Guyénot a dénombré plusieurs facteurs suggérant l’hypothèse de la possession, au détriment de la réincarnation, notamment une proximité des deux vies successives, laquelle s’établit sur un plan :
- Temporel
- Spatial
- Familial
L. Guyénot examine en détail ces trois facteurs avant de se prononcer, ainsi que les trois autres ci-dessous :
- Fin de la première vie par une mort violente et à un jeune âge
- Caractère pathologique
- Dissociation de la personnalité
Stevenson ne passe pas sous silence l’éventualité de la possession, il en discute en effet à la fin de son ouvrage.
Cependant, nous dit Laurent Guyénot,
» Stevenson ne va pas jusqu’au bout de cette logique, et je vais donc le faire pour lui. «
Comme nous l’avons vu plus haut en mentionnant le rasoir d’Ockham, réduire la multiplicité des phénomènes observés au plus petit nombre possible de lois est un principe essentiel dans la démarche scientifique.
Aussi, nous devons nous demander si l’un des deux phénomènes de la réincarnation et de la possession ne serait pas un cas particulier de l’autre.
Énonçons dès maintenant la conclusion de l’analyse de L. Guyénot : il soutient que tous les cas de réincarnation rassemblés par Stevenson peuvent sans difficulté être réinterprétés comme des cas de possession.
Réfutation des objections contre la possession
- Stevenson : » L’hypothèse de la possession ne permet pas d’expliquer un aspect important des cas évoquant la réincarnation : elle n’explique pas qu’un enfant, à la vue d’un lieu où la personnalité antérieure a vécu, soit impressionné au point de retrouver soudainement le souvenir de différents épisodes de son autre vie. «
L. Guyénot : » D’après de nombreux témoignages, les esprits possesseurs sont généralement des esprits vivant dans un état de léthargie, de confusion et d’amnésie partielle, et il est tout à fait plausible que certaines situations déclenchent chez eux des souvenirs et des réactions émotionnels. «
- Stevenson : » Un esprit possesseur ayant assez d’influence sur une personne vivante pour l’amener à déclarer un changement d’identité devrait être capable de se rappeler toute l’histoire de sa vie antérieure. «
L. Guyénot : » Il ne s’agit pas d’un argument, mais d’une affirmation péremptoire, dénuée de tout fondement. Elle suppose que l’esprit possesseur est une personnalité normale, en pleine possession de ses moyens, ce qui n’est jamais le cas. Les travaux de Carl Wickland (que Stevenson connaît puisqu’il les cite) démontrent que les esprits possesseurs, et d’une manière générale les esprits errants, perdent parfois jusqu’au sens de leur identité. «
- Stevenson : » La théorie de la possession n’explique pas non plus comment nos sujets pouvaient décrire les maisons et les gens, tels qu’ils étaient avant la mort de leur personnalité antérieure. […] Si un esprit désincarné « flotte » autour du site de sa vie terrestre, pourquoi n’est-il pas au courant des changements apportés aux constructions et subis par les gens ? «
L. Guyénot : » La réponse est évidente. Une fois fixé au corps d’un vivant, un esprit possesseur est généralement autant prisonnier de ce lien que l’est la personne possédée. Il ne peut se déplacer librement. Là encore, Stevenson ne fait qu’avancer de simples préjugés sur le mode d’existence des esprits possesseurs. «
- Stevenson : » Autre objection : le défaut apparent de motivations qui pousseraient les personnalités désincarnées à influencer nos sujets. «
L. Guyénot : » Là, on flaire la mauvaise foi. Les études sur la possession tendent à montrer que l’esprit possesseur est généralement motivé par un puissant désir de retrouver un corps physique. «
L’objection supplémentaire des marques de naissance
Cette objection de Stevenson est la plus forte, et mérite qu’on s’y attarde. Stevenson a d’ailleurs consacré un ouvrage à ce sujet, en 2 tomes, ainsi qu’un plus petit volume qui est un condensé de ce travail et dont une traduction existe en français :
Voici deux cas de marques de naissance :
- Un garçon indien était né avec les doigts de la main droite atrophiés. Il se souvint de la vie d’un garçon qui avait eu les doigts coupés par une faucheuse.
- Une femme avait trois marques de naissance sur le dos, qui ressemblaient à des cicatrices. Enfant, elle se souvenait de la vie d’une femme qui était morte après avoir reçu trois coups de hache sur le dos.
L. Guyénot considère que les marques de naissance ne prouvent qu’une seule chose : l’existence d’un lien prénatal entre l’enfant porteur des marques et un défunt.
Mais il écrit que tenir pour évident, ainsi que le fait Stevenson, que ce lien valide la réincarnation, » est aller un peu vite en besogne. »
Cette déduction hâtive de Stevenson vient du fait qu’il refuse d’admettre que la possession puisse débuter avant la naissance; or c’est possible, comme en atteste le cas suivant rapporté par Edith Fiore dans son ouvrage Les esprits possessifs :
Un chirurgien plein de compassion décède dans un accident de voiture. Il retourne à son hôpital où il avait connaissance d’un accouchement prématuré sur le point de se produire. Il raconte ceci, à travers la patiente d’Edith Fiore dont il occupe le corps :
» Cette petite âme était sur le point de naître si prématurément — sept mois et demi et rien que un kilo et cent cinquante grammes. Il lui fallait de l’aide. Elle était trop faible pour survivre. Je pouvais l’aider. Je pouvais lui donner ma force jusqu’à ce qu’elle puisse se débrouiller toute seule. Elle avait besoin de moi — et j’avais besoin d’elle. J’avais encore besoin de vivre certaines choses que je voulais connaître. Avec elle, c’était possible. «
La psychothérapeute Edith Fiore raconte qu’elle a pu pratiquer sur sa patiente une dépossession, qui a permis à l’ancien chirurgien de partir vers les sphères spirituelles. La patiente libérée de cet esprit déclara alors :
» Il était gentil mais il avait tellement pris de pouvoir qu’il m’empêchait de grandir. «
L. Guyénot ajoute la remarque suivante :
Tous les cas d’enfants évoquant une vie antérieure et ayant des marques de naissance présentent tous les indices de possession qu’il (Guyénot) a dénombrés — et que nous avons énumérés plus haut — et ils présentent ces indices à un degré supérieur aux autres cas.
L. Guyénot estime que le défaut principal de Stevenson est qu’il ne confronte pas les données de ses recherches ethnographiques avec d’autres données issues tant de la parapsycholgie que de l’ethnographie, alors que l’approche comparative est le seul moyen d’arriver à des interprétations solides.
6. Souvenirs de morts antérieures
De nombreux cas de souvenirs présumés de vies antérieures sont des souvenirs d’une vie qui se termine par une mort violente ou prématurée.
Le souvenir rapporté par un sujet est ainsi, dans ce type de cas, constitué des derniers instants d’une vie et des circonstances de la mort.
Les souvenirs de mort antérieure sont généralement des souvenirs d’une mort violente.
La plupart des médiums et des théoriciens de l’après-vie affirment qu’une mort violente ou inattendue entraîne, chez une personne ignorante des choses de l’au-delà, un état de stupeur et de confusion mentale.
Il arrive que la personne ne comprenne pas vraiment qu’elle se trouve dans l’au-delà, ou qu’elle refuse de l’admettre. Elle reste très attachée au monde terrestre et obsédée par les circonstances de sa mort traumatique. L’esprit de la personne trépassée reste confiné dans les basses sphères astrales, les plus proches de la Terre.
Les réincarnothérapeuthes affirment que cet attachement à la vie terrestre et cette obsession d’une mort violente peut tout à fait expliquer, par la thèse de la réincarnation, les cas particuliers de souvenirs de morts violentes.
Cette explication par la réincarnation est là encore remise en question par Laurent Guyénot.
Il affirme que, dans ces cas de souvenirs de mort violente, il s’agit aussi de possession, durable ou momentanée.
Les prétendus souvenirs d’une vie antérieure qui s’achève dans une mort violente ne sont probablement que des visions sinistres transmises par des trépassés confinés dans le bas astral.
L’esprit d’un trépassé confiné peut être à l’origine :
- d’une possession durable qui crée chez un sujet des visions obsédantes chroniques
- ou d’une possession momentanée qui crée un « souvenir » sous hypnose ou un flashback spontané.
Une nuance est à prendre en compte : l’esprit d’un trépassé peut investir directement une personne, ou indirectement par l’intermédaire d’une projection télépathique, qui peut même s’opérer à l’insu du trépassé.
C’est ce qu’explique Ernest Bozzano à la fin de son ouvrage Les Phénomènes de hantise :
Une autre hypothèse encore est à envisager, nous dit L. Guyénot : celle que les visions sinistres soient issues de résidus astraux — on parle plutôt de coques astrales — qui voguent de manière autonome dans le bas astral, tandis que le trépassé qui les a émis a déjà quitté le bas astral, pour des régions supérieures.
Cette hypothèse présuppose que des expériences humaines douloureuses où sont activées des émotions négatives intenses, comme dans des morts tragiques, produisent des formes-pensées qui perdurent au-delà des expériences qui les ont créées, et peuvent être captées après coup par des vivants, même plusieurs années après.
Le fait de capter des pensées anciennes est à rapprocher du phénomène de la psychométrie, que nous abordons ci-dessous.
7. Rétrocognition et déjà-vu
Rétrocognition ou psychométrie
La rétrocognition est le phénomène qui consiste à avoir accès à des événements vécus dans le passé par d’autres personnes, souvent un passé lointain.
On parle généralement de psychométrie — terme qui peut par ailleurs désigner la discipline de psychologie expérimentale qui définit et utilise des méthodes de mesure à la base des tests psychométriques et psychotechniques.
La psychométrie dont il s’agit ici n’a rien à voir avec cela. Elle désigne, comme on vient de le voir, un accès paranormal à une connaissance d’évènements passés.
Laurent Guyénot nous dit qu’une expérience de psychométrie engage chez la personne qui la traverse une participation émotionnelle forte, comme si elle était transportée dans la peau d’un des protagonistes de l’épisode passé qu’elle revit, si bien que cela ressemble fortement à un souvenir de vie antérieure.
Un récit de psychométrie se distingue donc parfois difficilement d’un récit de prétendu souvenir de vie antérieure, mais pour autant, nous dit L. Guyénot, la psychométrie n’a aucun lien avec la réincarnation.
» La psychométrie est un phénomène qui n’a rien à voir avec la réincarnation, mais peut, dans certaines conditions, donner l’illusion d’un souvenir de vie antérieure. «
Voici une histoire de psychométrie qui n’a rien à voir avec la réincarnation :
En 1974, dans l’état de l’Oregon, un certain Bo Orsjo décida de faire une ballade sur le Mont Lowe. Après quelques heures, il se trouva face à un hôtel peint en vert. Aucune route ne semblait y mener, et l’endroit semblait désert ; seule, une servante taciturne était occupée à balayer devant la porte. Bo mangea son sandwich à l’ombre de l’hôtel et reprit sa route.
Quelques semaines plus tard, il tomba par hasard, dans un magazine, sur l’histoire d’un millionnaire excentrique nommé Lowe qui avait entrepris le projet de faire passer par là une voie ferrée. Il y avait bâti un hôtel, dont la photo d’époque ressemblait en tout point à ce qu’avait vu Bo. Mais, l’argent lui manquant, le lieu avait ensuite été déserté dans les années 1930. Finalement, les ruines de l’hôtel disparurent dans un incendie en 1937. Ne pouvant y croire, Bo retourna sur les lieux, pour constater qu’il n’y avait effectivement presque plus de traces du bâtiment.
Expériences de déjà-vu
Les expériences de déjà-vu sont beaucoup plus communes que la psychométrie. Voici une expérience de ce type, tirée du journal de Walter Scott :
Je ne suis pas sûr que cela vaille d’être noté, mais hier, au dîner, j’ai été étrangement assailli par ce que j’appellerais le sentiment de la préexistence, c’est-à-dire l’idée confuse que tout ce qui se disait ne l’était pas pour la première fois ; que les mêmes sujets avaient été abordés et que les mêmes personnes avaient prononcé sur eux exactement les mêmes opinions.
Les impressions de déjà-vu sont expliquées par des psychiatres de manière simplement matérialiste par un retard dans une connexion neurologique.
Une explication non plus matérialiste, mais paranormale cette fois, serait que l’impression de déjà-vu, résulte d’une télépathie anticipative, qui nous ferait entendre les paroles d’un interlocuteur juste avant qu’il ne les prononce.
Invoquer les phénomènes de déjà-vu à l’appui de la thèse de la réincarnation est vraiment abusif, nous dit L. Guyénot. C’est faire preuve d’un manque de bon sens, voire de mauvaise foi.
Aucun auteur sérieux croyant à la réincarnation n’a jamais prétendu que l’on peut reproduire d’une vie à l’autre des situations exactement semblables.
8. Autres liens entre vivants et trépassés
En-dehors des liens de possession, d’autres liens peuvent s’instaurer entre vivants et trépassés, qui sont parfois néfastes pour les vivants, mais parfois bénéfiques pour les deux parties.
Les conjonctions de Swedenborg
Le savant et mystique suédois du XVIIIe siècle Emmanuel Swedenborg affirmait que tous les humains sont liés à des esprits.
Selon Swedenborg, l’homme ne saurait penser ou s’émouvoir, ni même exister, sans être en lien quasi permanent avec des esprits.
Swedenborg donne à ces liens le nom de conjonctions, et explique qu’il y en a de toutes sortes.
Certaines conjonctions sont bénéfiques car elles sont le fait d’esprits évolués qui travaillent à l’évolution spirituelle, intellectuelle ou artistique des êtres incarnés avec ils collaborent, tout en continuant leur propre évolution.
Deux fims américains de 1989 illustrent ce principe : Pour toujours (Always) et Jusqu’au bout du rêve (Field of Dreams).
Voici ce que nous dit Laurent Guyénot de ces deux films :
Dans Pour toujours, nous voyons un pilote d’avion talentueux […] qui, après une mort accidentelle, réalise que son talent lui avait été transmis par des aides spirituels. Il reçoit la mission de transmettre à son tour son talent, en inspirant et protégeant un jeune pilote sur terre, un peu comme un ange gardien. Ce faisant, il se trouve impliqué dans des situtations délicates vécues par cette personne, qui vont le forcer à surmonter certaines limites de son propre coeur.
Le film Jusqu’au bout du rêve présente une situation plus symbolique : un jeune agriculteur reçoit l’inspiration de bâtir un terrain de base-ball sur son champ de maïs. Il s’avère bientôt que ce terrain est le lieu d’événements peu ordinaires, puisqu’il attire des joueurs décédés qui peuvent aussi revenir momentanément sur terre, afin de se libérer d’un ressentiment né à la suite d’une faute qui avait causé leur radiation. Parmi les » revenants « , le héros […] voit un jour apparaître son propre père, avec qui il s’était brouillé sans jamais pouvoir se réconcilier. Cette rencontre lui procure une profonde libération et lui permet de se réapproprier la mémoire de son père.
Les groupes d’âmes et âmes groupales
Le concept swedenborgien de conjonctions est voisin de la notion moderne de groupe d’âmes.
Ce principe du groupe d’âmes apparaît implicitement dans le passage ci-dessous, tiré d’un message transmis au reporter Alain Guillo par sa mère, figurant dans l’ouvrage À l’adresse de ceux qui cherchent :
» J’ai retrouvé ma mère, mon père, et une quantité de gens que je ne connaissais pas, que je pensais ne pas connaître. Certains avaient partagé tout ou une partie de mon existence. Ils étaient moi, j’étais eux, et je ne le savais pas. […] J’avais en moi du neuf, petite âme issue de la matière terrestre… et du vieux, mes « réincarnations », ces âmes qui, avant moi, ont vécu et sont devenues moi-même. «
On voit dans ce passage que la mère d’Alain Guillo parle de réincarnations, mais on comprend qu’il ne s’agit pas du retour d’un individu donné. Il s’agit en fait d’une collaboration fusionnelle entre les âmes et les personnes incarnées, pour la croissance et la libération des uns et des autres.
Une autre formulation apparaît dans l’ouvrage En communication avec l’au-delà de Rosemary Brown :
Nous nous croyons un individu, mais » Nous ne formons pas vraiment une unité. Chaque personne est une âme avec de nombreux aspects. »
» Pensez à un atome. Celui-ci est composé de protons et de neutrons qui tous, servent à composer le noyau entouré par les électrons. Voilà à quoi ressemble l’âme. Ces parties séparées sont maintenues ensemble dans le noyau. Chaque partie peut être isolée, et ce sont les parties isolées du noyau de l’âme, pour ainsi dire, qui peuvent se manifester dans votre monde, sous la forme de diverses personnalités. «
Ainsi, l’âme est composite, puisqu’agrégat de différents éléments, mais Rosemary Brown nous dit aussi que l’âme est groupale, parce que ces éléments peuvent aussi venir d’autres âmes.
Les génies précoces inspirés par des guides
Les réincarnationnistes affirment souvent que les talents artistiques précoces, comme dans le cas de Mozart, s’expliquent par une vie antérieure consacrée à la musique.
Laurent Guyénot nous apprend que déjà du vivant de Mozart, des spéculations de réincarnation avaient été formulées à son propos par les intellectuels Lessing et Herder.
Mais la réincarnation ne s’impose nullement, nous dit L. Guyénot, pour expliquer les talents artistiques ou scientifiques précoces. La réincarnation n’est d’ailleurs pas l’explication que mentionnent les personnes concernées.
Les artistes précoces et les scientifiques de génie déclarent plutôt avoir été pris en charge par des êtres spirituels qui les ont éduqués et guidés.
L. Guyénot cite à l’appui de son affirmation une étude fondamentale sur l’inspiration artistique, réalisée par Brian Inglis : The unknown guest.
Cet ouvrage, qui réunit un nombre considérable de témoignages d’artistes et d’écrivains, met en évidence le caractère paranormal de l’inspiration artistique.
Voici par exemple ce que raconte E.F. Benson, romancier populaire du début du XXe siècle :
» C’était comme si les personnages sur lesquels j’écrivais prenaient le contrôle de leur propre cheminement, tandis que moi, qui tenais le stylo, faisais à peine plus qu’enregistrer les actions autonomes. Il m’est souvent arrivé de prévoir, en détail, ce que je voulais qu’ils fissent, pour m’apercevoir ensuite qu’ils avaient prévu et me dictaient autre chose. «
Les enfants qui semblent renaître dans leur famille
L’idée qu’un enfant mort en bas âge puisse renaître en la personne d’un frère ou d’un soeur né après sa mort, est courante dans les sociétés dites primitives.
Mais on la trouve également dans la littérature réincarnationniste moderne. L. Guyénot cite ce cas notoire rapporté par Ian Stevenson :
Les époux Pollock avaient perdu leurs deux filles, tuées dans un accident de la route. Deux ans plus tard leur naissaient deux jumelles, Gillian et Jennifer. Les parents choisirent de ne jamais mentionner leurs deux filles précédentes.
Mais les jumelles, lorsqu’elles furent en mesure de s’exprimer, firent état de souvenirs correspondant aux premiers enfants des Pollock. L’une s’identifiait à la fille morte à six ans, l’autre à celle qui avait onze ans au moment de l’accident. De fait, les jumelles avaient un comportement différent ; » l’aînée » était plus mûre et avancée que sa » cadette « , qui d’ailleurs la reconnaissait comme » sa grande soeur « .
Jennifer, en outre, portait deux marques de naissance similaires à celles qu’avait eues l’une des deux filles mortes. Mises à l’épreuve, les deux jumelles identifièrent correctement des jouets ayant appartenu aux filles précédentes.
On comprendra que ce cas fasse crier à l’évidence les réincarnationnistes convaincus.
Mais L. Guyénot soutient que, bien que la réincarnation soit impossible à réfuter dans ce cas-ci, il est plus probable qu’il s’agisse d’un phénomène de conjonction.
Nous disposons en effet, nous dit-il, de nombreux témoignages rapportés par Joel Martin, Patricia Romanowski et le médium Georges Anderson, qui plaident en faveur d’une telle conjonction.
Il semble que l’enfant mort en bas âge ne possède pas les facultés minimales nécessaires pour évoluer de façon autonome dans l’au-delà.
Il faut aussi tenir compte, nous dit L. Guyénot, de la douleur extrême des parents qui perdent un jeune enfant. Cela joue probablement un rôle dans l’attachement de l’esprit de l’enfant à la même famille.
En établissant, avec l’aide d’esprits bienveillants, un lien fusionnel fort avec un autre enfant, généralement un frère ou une soeur, il peut puiser chez cet enfant vivant les éléments qui lui manquent — notamment l’amour de la mère — et grandir en même temps que lui jusqu’à ce qu’il puisse voler de ses propres ailes.
On peut donc croire à tort à une réincarnation, alors qu’il y a bien deux âmes distinctes, mais dans un lien fusionnel fort, qui s’apparente presque à de la possession. Ce lien peut ensuite se distendre peu à peu, et devenir de l’ordre d’une conjonction entre adultes, ainsi que nous l’avons vu plus haut.
Pour terminer cette chronique, nous mentionnerons les observations de Paul Edwards sur la loi du karma.
Paul Edwards et le karma
Selon Edwards, » il est facile de voir que la loi du Karma est également compatible avec n’importe quoi et, par conséquent, totalement vide de contenu explicatif. »
L. Guyénot nous précise qu’en effet la théorie karmique autorise toujours à imaginer la cause du vécu présent d’une personne dans une vie antérieure non remémorée ; quant à l’effet dans une vie future, il reste invérifiable.
Nous avons donc affaire à une théorie non réfutable.
La non réfutabilité est un critère établi par Karl Popper pour détecter les fausses sciences ; il s’applique aux théories qui donnent faussement l’impression d’être toujours vérifiées, simplement parce que tout fait empirique quel qu’il soit, peut être rendu cohérent avec la théorie.
Position finale de Laurent Guyénot
Pour L. Guyénot, la réincarnation n’est qu’une manière possible d’interpréter les phénomènes paranormaux observés, et elle se heurte souvent à des contradictions flagrantes.
La plupart des phénomènes observés peuvent s’expliquer selon lui, par la notion de possession au sens le plus large, c’est-à-dire la perméabilité du psychisme humain aux influences de l’au-delà.
C’est ainsi que se termine ma chronique de l’ouvrage de Laurent Guyénot sur la réincarnation. La première partie est toujours disponible en cliquant ici.
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Merci de vos retours et rendez-vous dans quelques jours pour la prochaine chronique !